L’augmentation des tensions dans tous les segments de notre société met sur la sellette nos institutions. A ce propos, le politologue Jerôme Fourquet a pointé « un processus de décivilisation qui s’enclenche » : cette expression a été reprise aussitôt par le chef de l’État, dès le lendemain d’un déjeuner à l’Élysée avec des sociologues, le 23 mai dernier. Pourtant, la notion de « décivilisation » apparaît très connotée : avant même d’avoir théorisé le « grand remplacement », le propagandiste d’extrême droite Renaud Camus avait publié, en 2011, un essai intitulé « Décivilisation ». Certes, personne ne peut nier une multiplication des incivilités et l’apparition de phénomènes de désintégration de la vie sociale. Pourtant, dans une tribune du journal Le Monde du 28 juillet 2023, Edgar Morin préfère parler d’une « crise de civilisation » qu’il faudrait resituer dans la complexité d’une « polycrise mondiale ». Edgar Morin pointe également une « crise de la pensée ». Au-delà de la conflictualité radicale qui semble désormais s’emparer aussi bien des conduites que des propos de tout un chacun, il s’agit effectivement d’aller aux racines plus profondes d’une « tragédie de la culture ».