Archives par mot-clé : État de droit

Suicide d’une démocratie

On savait la démocratie fragile, voire malade. On la savait également menacée par des Etats autocratiques de plus en plus hostiles. Pouvait-on cependant imaginer qu’une démocratie s’autodétruise volontairement ? C’est pourtant ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis : une majorité d’Etats et d’électeurs ont décidé d’envoyer au pouvoir D. Trump et, depuis sa prise de fonctions le 20 janvier dernier, nous avons compris qu’il ne s’agissait plus d’une alternance classique, mais d’un véritable changement de régime. Lui-même envisage de ne pas quitter le pouvoir au bout des quatre ans de son mandat, alors que la constitution le lui interdit expressément. Au-delà de ce qui n’est peut-être qu’une lubie de sa part, tout porte à croire que les Etats-Unis auront changé de visage au bout de ces quatre ans de mandat. Car ce n’est pas seulement la personnalité de D. Trump qui apparaît inquiétante, mais le fait qu’il cristallise sur son nom la puissance de trois familles idéologiques réactionnaires : les intégristes religieux chrétiens, les populistes conservateurs et les techno-libertariens. Malgré leurs divergences, ces trois courants poursuivent un but commun qui n’est autre que le démantèlement de la démocratie et de ses institutions. Certes, minée par des politiques récurrentes de discrimination raciale, la démocratie américaine a connu d’autres types de travers : dans les années 1950, le maccarthysme en fut une déplorable illustration. Mais aujourd’hui il ne s’agit plus d’une « chasse aux sorcières » dans le contexte d’une guerre froide, mais bien de s’attaquer aux racines mêmes de la démocratie accusée de tous les maux et, en particulier, d’être à la fois trop laxiste et trop normative. Désormais, adepte de la novlangue orwellienne, c’est paradoxalement au nom d’une certaine démocratie que Trump mène une croisade à marche forcée contre la démocratie américaine, sur un chemin qui se veut sans retour.

Continuer la lecture de Suicide d’une démocratie

Le droit comme ultime garde-fou

En 2024, la moitié des adultes de la planète est appelée à voter. Aussi, J. Ganesh, éditorialiste au Financial Times, a pu dire que « l’homme et la femme de l’année 2024 » sont les électeurs et les électrices. Pourtant, la démocratie est en recul dans le monde. Selon l’ONG Freedom House, en 2000, 54 % de la population mondiale vivait en démocratie, mais aujourd’hui bien moins de la moitié de cette population peut se targuer de vivre en un tel régime : le nombre de pays le pratiquant régresse… Comment expliquer ce décrochage entre le nombre pléthorique d’électeurs appelés à voter cette année et le recul de la démocratie ? Bien sûr, comptabiliser les électeurs qui sont censés, dans les autocraties, voter pour élire leurs dirigeants est un trompe-l’oeil : il est maintenant avéré qu’en Russie, par exemple, les dernières élections qui ont permis à Poutine de s’accorder 88 % des voix ont été notoirement truquées. Dans ce type d’élections faussées, on pourrait y voir un hommage du vice à la vertu, puisque ces autocrates se croient encore obligés d’organiser un vote, même si le résultat est établi d’avance : la certification par les urnes fournirait une sorte de brevet de légitimité. Mais ne nous y trompons pas : nous sommes confrontés à une fatigue, voire à une crise de la démocratie. Non seulement elle a perdu de sa capacité de séduction à l’extérieur, mais elle est menacée désormais de l’intérieur par un populisme pernicieux qui vise à « découpler » démocratie et Etat de droit dans le but d’engendrer, en lieu et place, un nouveau type de Léviathan : la « démocrature ».

Continuer la lecture de Le droit comme ultime garde-fou

Fragile démocratie

Comment comprendre qu’un président américain sortant ait pu dénier les résultats légaux d’une élection présidentielle, au point de susciter un assaut insurrectionnel sur le Capitole, lieu le plus emblématique de la démocratie américaine? Expliquer les tenants et aboutissants d’un tel événement n’est pas seulement un enjeu pour les américains, mais également pour tous ceux qui, attachés à la démocratie, sont aussi conscients de sa vulnérabilité. Car, de ce côté-ci de l’Atlantique, la démocratie est aussi menacée par le conspirationnisme de la «mob rule», au point que, sous prétexte de remédier à ses imperfections, celui-ci n’hésite pas à remettre en question ses institutions.

Continuer la lecture de Fragile démocratie