Dans son dernier rapport intitulé « Defiance in the face of autocratization », l’institut V-Dem de l’Université suédoise de Göteborg – dirigé par Staffan Lindberg et Anna Lührmann – soulignait en 2022 que tous les gains démocratiques acquis dans le monde depuis la chute du mur de Berlin en 1989 étaient désormais effacés : « L’expansion massive des droits et des libertés démocratiques qui avait suivi la fin de la guerre froide a été perdue ». Bien plus, l’essentiel de ce reflux démocratique s’est produit au cours de la dernière décennie écoulée. Nous vivons actuellement une vague d’« autocratisation » qui menace toutes les démocraties. Selon cet observa-toire, 70 % de la population mondiale vit aujourd’hui dans une autocratie. L’autocratie correspond à la concentra-tion du pouvoir entre les mains d’un dirigeant « fort » qui prétend incarner à lui seul la volonté du peuple – quitte à bafouer les droits fondamentaux tels que la liberté des médias ou les principes démocratiques de base comme la séparation des pouvoirs – et qui prolonge son mandat au-delà de toute limite. Or, si les coups d’État sont habituel-lement l’expression la plus spectaculaire de l’autocratisation, la nouveauté est que son expansion actuelle au coeur même de démocraties se déroule plutôt de manière rampante et en se dotant d’une façade juridique.
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Guerre de l’hubris et guerre hybride
« La Démesure (hubris), mère effrontée du mépris ». En imposant la guerre à l’Ukraine, Poutine a exprimé son mépris : mépris de la souveraineté de l’Etat ukrainien, mépris du droit international humanitaire, mépris de la liberté des peuples, mépris du mode de vie démocratique. Toute crise aiguë est en même temps un moment révéla-teur où les masques tombent. En critiquant Lénine pour avoir reconnu des droits aux nezavisimtsi (« indépendantistes ») de l’époque et en dénonçant également la plateforme du parti communiste de l’Union soviétique de septembre 1989 qui garantissait la souveraineté des républiques fédérées, le chef actuel du Kremlin a montré que son bellicisme assumé ne relève pas d’une simple nostalgie de l’ex-URSS, mais bien de vouloir recréer un empire russe : la Novorossia. Cette ambition impérialiste le conduit à prétendre cyniquement imposer sa puissance à des territoires sans tenir compte des peuples, quitte à mener une « guerre totale » à nos portes et à déstabiliser tout le continent européen. La singularité de ce nouvel impérialisme est de mobiliser toutes les armes de la « guerre hybride », jusqu’à menacer d’utiliser des moyens surpuissants.
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