Le vocable « sociétal » est, à l’origine, un anglicisme qui a été admis dans la langue française, à partir des années 1970, dans le contexte d’une émancipation décisive des mœurs. Jusque là, les problèmes de la société semblaient relever surtout du traitement de la question sociale : l’émergence d’une modalisation de ces problèmes sous leur forme sociétale a été concomitante du rôle de plus en plus prégnant joué par la société civile. L’accent a alors été mis sur l’adaptabilité des différentes façons de « vivre à sa mode » un même problème, sur des usages innovants pour mener à bien son existence, plutôt que de se référer à une conception figée ou déterministe de la nature humaine, de la société ou de l’histoire. La loi sur l’IVG votée en 1975 a pu être considérée comme l’une des premières institutionnalisations d’une revendication sociétale formulée par les femmes qui avaient décidé de faire reconnaître leur droit à disposer de leur corps, en se faisant entendre à partir de la société civile. Plus proche de nous, la loi de 2013 autorisant le « mariage pour tous » tout comme aujourd’hui la loi sur la PMA témoignent de cette revendication persistante de réaménagements innovateurs des modes de vie, des manières d’être au sein de la société. Cependant, si la fonction des institutions est d’établir avant tout des régulations stabilisatrices pérennes fondées sur des représentations collectives de ce qui est censé être reconnu comme des comportements normalisés, il apparaît que la « normalisation » des transformations sociétales ne va pas immédiatement de soi en raison de leur labilité rétive à toute fixation dogmatique. L’expression des revendications sociétales met plutôt en porte-à-faux les institutions établies. A l’inverse, aucune vie sociale ne peut se passer d’institutions. Dès lors, la « transduction » institutionnelle des transformations sociétales peut apparaître à la fois comme un défi et une nécessité qui témoigne de l’appartenance à une société ouverte.
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Guerre de l’hubris et guerre hybride
« La Démesure (hubris), mère effrontée du mépris ». En imposant la guerre à l’Ukraine, Poutine a exprimé son mépris : mépris de la souveraineté de l’Etat ukrainien, mépris du droit international humanitaire, mépris de la liberté des peuples, mépris du mode de vie démocratique. Toute crise aiguë est en même temps un moment révéla-teur où les masques tombent. En critiquant Lénine pour avoir reconnu des droits aux nezavisimtsi (« indépendantistes ») de l’époque et en dénonçant également la plateforme du parti communiste de l’Union soviétique de septembre 1989 qui garantissait la souveraineté des républiques fédérées, le chef actuel du Kremlin a montré que son bellicisme assumé ne relève pas d’une simple nostalgie de l’ex-URSS, mais bien de vouloir recréer un empire russe : la Novorossia. Cette ambition impérialiste le conduit à prétendre cyniquement imposer sa puissance à des territoires sans tenir compte des peuples, quitte à mener une « guerre totale » à nos portes et à déstabiliser tout le continent européen. La singularité de ce nouvel impérialisme est de mobiliser toutes les armes de la « guerre hybride », jusqu’à menacer d’utiliser des moyens surpuissants.
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