Démocratie : du peuple à la multitude

L’accusation de populisme est devenue la pire injure politique. S’il s’agit de stigmatiser la démagogie, elle apparaît alors la bienvenue. Cependant, elle est aussi devenue une notion fourre-tout qui vise à amalgamer tout ce qui ne serait pas politiquement correct. Ainsi, vouloir s’affranchir de la langue de bois, dire non au TCE, dénoncer la vie chère en pointant le rôle joué par le passage à l’euro, manifester dans la rue contre le CPE, etc. : toutes ces prises de position sont désormais dénoncées comme des formes de populisme. Mais loin de régler les problèmes, cette accusation témoigne surtout de la façon dont certains sont pris à contre-pied dans leurs analyses. Comme si les catégories dont ils usaient se montraient inaptes à rendre compte d’une réalité en pleine mutation qui brouille les repères établis. En premier lieu, la notion de peuple, qui avait longtemps servi de moyen de légitimation politique, apparaît en crise. L’accusation de populisme serait donc le symptôme du désarroi de ceux qui s’aperçoivent que la réalité échappe à la catégorie fondamentale dans laquelle ils voulaient penser l’essence de la politique. Pour le meilleur ou pour le pire, la multitude concrète reprend ses droits sur l’abstraction « peuple ». 

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Paru dans la revue Les Nouvelles d’Archimède n°45