Que l’art puisse participer à l’édification d’un monde humain est une idée qu’Hannah Arendt a repensée dans Condition de l’homme moderne. S’il est vrai que l’apparence comme manifestation est la seule voie d’accès à l’Être, l’art nous y initie puisqu’il a vocation à déployer entre l’artiste et son public un espace commun d’apparence. L’éclat des œuvres d’art contribue à garantir l’objectivité de notre monde parce qu’elles sont destinées traditionnellement à se maintenir durablement dans l’espace public. Mais certains ont cru s’autoriser d’Hannah Arendt pour condamner l’art contemporain au motif qu’il se fourvoierait dans l’éphémère.
C’est oublier que l’art ne se réduit pas à une poiésis artisanale : loin de se présenter comme l’accomplissement d’une fin, il se manifeste davantage comme commencement. En mettant en évidence la capacité proprement humaine de commencer quelque chose, l’art contemporain relève d’une expérience de liberté, au même titre que la praxis politique ou éthique. Il nous révèle aussi que si l’œuvre d’art est chose du monde, elle ne vaut pourtant que dans la mesure où elle ouvre le public à un champ de possibles insoupçonnés qui renouvelle sa perception du monde.
Apparence(s) [En ligne], 1 | 2007, mis en ligne le 24 mai 2007.
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